Ils sont jeunes, talentueux et habités par une même vision : celle d’une gastronomie sincère, gourmande et profondément sensorielle. Michaël Abihssira et Sasha Dorfmann ont repris avec panache et enthousiasme Le Café de La Fontaine, l’institution bistrotiere turbiasque tenue durant des décennies par l’emblématique chef Bruno Cirino.

Le 27 septembre dernier, les deux associés ont redonné vie à cette adresse chargée d’histoire en lui insufflant un souffle nouveau, respectueux du passé mais résolument ancré dans son époque.
Michaël et Sacha, qui se sont rencontrés à l’Institut Paul Bocuse, ont suivi un cursus différent : la cuisine pour l’un, l’hôtellerie et la gestion pour l’autre, mais une même passion et très vite, une complicité évidente, presque fraternelle les rassemblent.
Sasha, qui dirige avec sa famille DPM Motors à Monaco, évolue entouré de belles voitures mais nourrit depuis toujours une passion profonde pour la table, des grandes maisons étoilées aux petites adresses de quartier pleines d’âme. Michaël, lui, s’est forgé un parcours impressionnant auprès des plus grands : Julien Gatillon à Megève, Yannick Alléno au Pavillon Ledoyen (où il participe notamment à l’ouverture de L’Abysse Paris), puis Mauro Colagreco au Mirazur et Virginie Basselot au Chantecler du Negresco. Repéré très jeune par Philippe Cannatella et Loïs Guenzati (Gusto Family et Peixes), il prend à seulement 25 ans la tête des cuisines de Carmela, avant de s’envoler à l’international pour des ouvertures prestigieuses (Sass’ AlUla et Sass’ Bucharest) sous l’égide de Shahar Dahan (chef corporate de Sass Café Monaco, The Niwaki Monaco et Mona Restaurant). De retour sur la Côte, Michaël se laisse enfin convaincre de s’associer à son meilleur ami qui le talonne depuis plus de sept ans pour ouvrir ensemble un établissement. Sasha lui parle du Café de La Fontaine qui est en vente, un lieu qu’il connaît bien depuis son enfance. Après plusieurs visites, pour Michaël l’évidence s’impose : s’associer à son meilleur ami pour écrire une nouvelle page. Il sent que ce lieu lui parle, résonne, l’inspire d’une cuisine française twistée de son talent et d’une vision contemporaine. Ce lieu est fait pour lui, pour eux.

Ici, le bistrot se fait vivant, cadencé, précis en grande tradition d’aujourd’hui. Les assiettes, parfaitement exécutées, revisitent les grands classiques avec justesse : produits de saison, sourcing réfléchi, modernité discrète mais percutante. Les cuissons sont maîtrisées, les assaisonnements d’une justesse remarquable et bien balancés. Et surtout, quel plaisir rare de retrouver de vrais plats canailles, généreux, francs, qui attisent les papilles avec autant d’excellence que de gourmandise.
La Turbie, village dynamique, est à la croisée parfaite des mondes et des gourmets de la région, de Monaco et d’Italie. À peine poussée la porte du Café de La Fontaine, vous entrez dans un autre monde, une autre époque : celles des auberges de province d’antan, qui savaient si bien recevoir et qui n’existent plus, et de ces vrais bistrots de caractère qui avaient du tempérament et tant d’allure. La salle, à l’aspect rustique, est chaleureuse et réconfortante de son mobilier cossu, l’odeur des meubles cirés, patinés se mêlant aux parfums de la cuisine ouverte, des plats longuement mijotés , rappelle avec bonheur les week-ends ou les vacances chez une grand-mère aimante et bienveillante.





L’accueil est à l’image du lieu vivant, sincère et énergique, comme il se doit dans ces maisons gourmandes et animées qui ont de la sève et de la vie. Sacha et les équipes font vibrer la salle avec le plaisir sincère de faire plaisir aux clients, portés par l’adrénaline et la belle énergie du service. Et quand le rythme s’accélère, il n’est pas rare de voir Michaël sortir de sa cuisine pour venir prêter main-forte, dans un véritable esprit d’entraide. La carte, renouvelée toutes les trois semaines pour le plus grand plaisir des convives, se balance entre six entrées et six plats, vit uniquement au gré des saisons, des produits et des fournisseurs locaux judicieusement sélectionnés. Rien n’est laissé au hasard, tout est pensé et réfléchi. Ici, pas de concept modeux et pompeux, pas de chichi ni de fausses fioritures : tout est vrai, incarné et a du tempérament, et on ne serait pas surpris d’avoir comme voisin de table un certain Bernard Blier flanqué de ses Tontons Flingueurs qui se tapent la bonne cloche à grands coups de fourchette tout en faisant tinter les bonnes boutanches.


Et tout commence par l’excellente Terrine de campagne maison aux cinq baies. La mâche est belle de ses viandes peu grasses et le foie gras apporte une délicate et enjôleuse sensualité. On tartine de bonheur le pain, lui aussi de campagne, du boulanger Pierre Briand (Compagnon du Devoir) de Ma Première Boulangerie à La Turbie. Ce duo est un succès assuré, titillé par des pickles maison de cornichons et du fenouil à cru. Tout est là et fait mouche en bouche.

La Salade d’endives, poires Comices, noix et fourme d’Ambert croque de vie et d’envie des endives et des poires à la douceur assumée et enjouée. La fourme d’Ambert a la valeur de sa personnalité, d’une rondeur vive et persillée. La vinaigrette enveloppe et assaisonne justement de sa fringance parfaitement balancée.

Le tartare de bœuf, céleri-rave et livèche : revisite de ce grand classique souvent mal traité, d’une viande de piètre qualité et de ses miséreux condiments noyés à coups de ketchup et de moutarde industrielle. Michaël lui redonne ses lettres de noblesse en l’interprétant avec le céleri-rave qui apporte croquant et profondeur. La livèche vient résonner de sa vivacité herbacée, le tout servi à une température qui laisse s’exprimer le bœuf dans toute son admirable valeur. Tout est en équilibre parfait et donne cette envie de toujours plus.

Le tartare de thon et betterave, vinaigrette au géranium : le thon, de sa fine identité iodée, nage en pimpante harmonie dans un bouquet floral du géranium, et la betterave, à la profondeur doucement terreuse et à la claquante mâche, emporte le poisson dans un univers jardinier. L’assaisonnement est à nouveau percutant et parfaitement balancé, titillant les papilles avec ingéniosité.

Œufs meurette : un autre grand classique bistrotier et bourguignon à la gourmandise absolue, qui manque tant car trop peu travaillé ou peu proposé dans une région qui succombe peut-être un peu trop souvent et facilement aux saveurs pseudo-italiennes. Que dire de cet œuf mollet qui éclate de vie de son jaune parfaitement coulant, qui s’épanche et se lie à cette profonde et suave sauce au vin rouge. Les lardons viennent intensifier le plaisir de ce plat ultra réconfortant. On sauce alors avec fierté et surtout sans aucune pudeur.

Côté plats, la Cuisse de canard confite, garniture dans l’esprit d’un cassoulet : on se confit de grande gourmandise pour ce canard et ces haricots mijotés et encore claquants de vie. Tout est là, et justement là, pour attiser les papilles. Le jus, presque compoté de sa belle cuisson, vient emmitoufler de sa robe de joie ce volatile qui s’effiloche d’aise.

La Blanquette de veau, riz pilaf : symbole des plats mijotés qui mettent l’eau à la bouche de chaque gourmet. Ici, cette blanquette a le sens de la franchise des goûts, du vrai, du sincère, de cette parfaite association de bienfaiteurs du veau, de la crème, des champignons, des carottes et du riz, avec cette idée de la bouchée parfaite à coups de généreuses cuillères.

Filet de lieu jaune, risotto de kasha sarrasin et petit Paris brun : le poisson, d’une cuisson juste et savamment croûtée, garde sa verve et s’encanaille du risotto de sarrasin au relief grillé (qu’on aimerait un peu plus « al dente », mais les bouches sages peu enclins au « al dente » en ont décidé autrement). Le bouillon est enchanteur, vibrant et caressant. À nouveau, tout est en place.

Truite saumonée, butternut en deux façons et vierge d’hiver : plat hivernal, justement revigorant et spectaculairement harmonieux de cette truite au rosé profond et moelleux. La butternut se fait génial chef d’orchestre de ses deux mouvements : en crémeux relevé de la chaleur des quatre épices aux saveurs très « Christmasy », et en pickles au titillant croquant réveillant les papilles, tout comme la vierge d’hiver à base de graines qui enchante l’ensemble de ses accords. Les pointes de gel de citron, disséminées çà et là dans l’assiette, ne sont en rien anecdotiques : leur fizz puissant apporte une percutance et un relief qui annoncent un véritable plat signature.

Le Chou farci à notre façon incarne cette cuisine française de cœur qui attise toutes les envies, quelle que soit sa recette et sa région d’origine. Le chou farci a cette valeur ajoutée du plaisir des sens, de ces feuilles encore croquantes cachant en leur cœur une farce juteuse, aux viandes fines et peu grasses à la saveur herbacée. La sauce, véritable alliée, vient nourrir ce chou de délices. Un plat de mémoire, exécuté avec précision et respect.

Pour finir en douceur, on ne résiste surtout pas à la Mousse au chocolat servie à la soupière, d’une texture et d’une intensité redoutable. Le Clafoutis de saison : aux myrtilles est moelleux et confortable, et la Tarte Tatin est totalement « Tatin » sans excès de sucre et a ce goût inimitable du véritable fait maison qui touche les sens.



La carte des vins, qui propose déjà de belles références à tous les prix et pour toutes les envies, devrait encore s’étoffer et s’affiner avec des domaines pointus et de prestigieuses étiquettes.
Michaël Abihssira cuisine avec la mémoire des grands et l’instinct de sa génération. Sasha Dorfmann reçoit avec cette chaleur sincère qui transforme un repas en moment, en expérience. Ensemble, ils signent une adresse rare, précieuse, presque nécessaire, dans une région qui en manque cruellement.
Le Café de La Fontaine, signé Michaël et Sasha, n’est pas seulement une table où l’on mange bien, c’est une maison où l’on revient avec terrible envie. Un bistrot de cœur, à la fois classique et contemporain, où la gouaille rencontre l’élégance, porté par la précision et la sensibilité d’un jeune chef promis à un très bel avenir.

Carte – Entrées 15 à 18€ – Plats 22 à 32€ – Desserts 8 à 10€
Le Café de la Fontaine
Tel : 04 93 04 48 47



Un endroit magique !
Une vraie pépite. Quel bonheur de voir une équipe aussi investie et passionnée. Les plats sont de véritables madeleines de Proust, ils réveillent des souvenirs qu’on croyait oubliés.
C’est déjà notre 5ᵉ visite et jamais la moindre déception. Mention spéciale pour la carte qui évolue, qui surprend à chaque fois.
Bravo et chapeau à toute l’équipe 🤩
On revient, encore et encore.
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