Après cinq mois d’une totale rénovation, le Blue Bay Marcel Ravin est désormais pleinement celui du Chef Marcel Ravin (lire portrait). Devenu un magnifique écrin organique, palpitant et exotique, à la juste valeur de sa cuisine, le chef s’est accompagné de la décoratrice Alexandra Saguet pour créer « le restaurant de ses rêves d’une ode à la vie, à la nature » où les cinq éléments se font vivants : le Bois, le Feu, le Métal, l’Eau et la Terre.

On les retrouve sous différentes formes, matières et textures, comme ces enduits, telles des fresques murales en forme de vagues ou d’écorces, signés de l’artiste Solène Eloy, comme ces paravents aux allures de corail, ces lustres en impression de coquillages ou de méduses, ces boiseries ajourées qui laissent entrer la lumière et les alizés…. la cuisine ouverte s’offre en spectacle comme le foyer au milieu de la pièce : une case créole contemporaine et inspirée, qui chante cette terre, cette mer, cette nature de l’enfance du chef. Les arts de la table, eux aussi, « racontent » avec ces assiettes de présentation créées sur-mesure par Peggy Desmeules, rappelant un volcan, des coraux, des rivages… vus depuis un avion.







La terrasse sur les flots est toujours aussi subjuguante de cette vue à l’infini, avec ce bleu intense et ce vert de cette luxuriante végétation bordée de l’incroyable et presque irréel lagon, elle s’est étoffée d’un mobilier qui lui délivre une conscience charnelle et marine.





Située en face des cuisines, abritée et cocoonée de panneaux d’une forme ovoïde, « La Table du Partage et du Trempage » n’est pas une table du chef, c’est une audacieuse table de partage pour huit convives, mariant l’art culinaire à la culture. On y retrouve des objets spécialement créés pour le lieu, comme ces gobelets en terre mêlée de la Martinique, ces sets de tables, également signés Peggy Desmeules, relatant les éléments, ces couteaux qui sont non sans rappeler les légendaires couteaux Chien qui auraient donné le nom à l’emblématique sauce Chien. Véritable restaurant dans le restaurant, cette superbe table se fait conviviale lors d’un menu sur-mesure, en 15-20 séquences, conçu autour de l’univers d’un artiste, d’un écrivain ou d’un céramiste. Seul un plat signature sera ancré et se fera à la fois tradition séculaire et inventive gastronomie, le Trempage : plat typique de grand partage de la Martinique qui viendrait, selon les histoires et légendes, des esclaves africains, d’un pêcheur ou d’un boulanger. Ce plat se découvre encore lors d’un festival ou dans les familles, principalement dans la commune du Prêcheur au nord-atlantique de l’ile. Il se compose, traditionnellement, d’une couche de pain rassis trempé et émietté puis disposé sur des grandes feuilles de bananier, qui est recouvert d’une sauce pimentée à base de poisson ou de viande, de banane plantain et d’avocat. Le Trempage se déguste avec les doigts d’une seule main, debout en biais (afin de prendre le moins de place possible). La version du chef Ravin y sera dimensionnée et ultra créative. Véritable laboratoire culinaire en perpétuel mouvement : « La Table n’est pas une expérience, c’est une émotion! »



Que vous diniez à la belle saison sur la terrasse ou dans la salle, vous serez merveilleusement happé et totalement immergé dans le bleu profond des assiettes et l’âme créative et gourmande du chef. Le menu « l’Agoulou de Marcel » est celui qui vibre pleinement de son essence et de ses plaisirs.
Tout commence par le Madou, thé glacé des anciens, qui est une boisson traditionnelle de la Martinique faite à base de feuilles d’agrumes de citronnier, de mandarinier et d’oranger, et que les anciens appréciaient pour ses vertus nettoyantes et digestives ou quand le Rhum de la veille était encore bien présent au matin. Ici, le chef y ajoute des herbes et fleurs du jardin et a cette parfaite valeur d’une mise en action des papilles en début du repas.

Croquant de tarama de seiche aux algues florales & poutargue : cette fine tartelette, à la couleur rose pâle, cache en son coeur une mousse de seiche et de truite locale de la vallée de la Roya. Les petits croustillants au soja viennent titiller de croustille. Tout est en finesse et équilibre pour commencer en douceur.


Beignet d’un pâté cochon à la farine de manioc / foie gras au rhum agricole : fondamentalement inspiré de l’emblématique Accras de morue, ce petit beignet se fait cochon d’une part, foie gras de l’autre et se baptise d’une pommade au piment qui vient délicieusement kicker le tout.

Matété de crabe de mer / riz créole texturé : le matété, ou matoutou, est une tradition culinaire antillaise à base de crabe de terre pimenté et de riz qui se savoure le plus souvent en famille pour les fêtes de Pâques. Dans cette version, il se présente tel un flan avec, sur le dessus, un émietté (ou achard) de crabe condimenté d’une aérienne chantilly au riz. A la dégustation, l’iode est en crescendo de force, le riz soufflé vient texturer de sa présence et le corail du crabe enveloppe de sa profonde identité fruits de mer.

Coco borlotti au safran / radis & christophine lacto-fermentés / glace au persil : un chaud-froid en température pour ce haricot qui garde sa croque et qui se caresse du délicat safran en une onctueuse sauce. La christophine du jardin est pétrifiée de sa lacto-fermentation en tradition et apporte une cadence en bouche. La glace au persil dimensionne de son élocution herbacée, tout comme les fleurs de ciboulette qui éclosent de leur pertinence poivrée.

Gamberoni & pourpier / liche / blaff eau de noix de coco émulsionné : cette addictive crevette, star des tables des grands chefs de la région et d’ailleurs, se livre nue, à peine saisie, presque encore à cru. Elle se cache d’amour du pourpier et de l’émulsion du blaff d’eau de coco, le citron vert et le gingembre viennent énergiser le tout et la sauce liée au mascarpone, quant à elle, vient velourer cet élégant monde. A côté, servie en seconde assiette, la liche brulée à la flamme se verdit, elle-aussi, de pourpier en une pointe acidulée, et la sauce « forte » au miso cadence d’une touche japonisante. Le Tempura des têtes de gamberonis est la sublime finalité qui vient harmoniser cette complexe entrée en triptyque d’un jardin sur la mer.



Patate douce, Chou palmiste / lard de colonnata, vinaigrette cerise au gingembre & kumquat, Gnocchi crémeux de ris de veau & pieds aux blettes : coupé en demi lune, le moelleux gnocchi à la douceur de la patate douce se farce de ris de veau, les pieds de veau frits, sur le dessus, viennent croustiller de leur gourmande animalité et l’émulsion à la pomme de terre violette se fait judicieuse et crémeuse compagne de route. Les blettes en julienne jouent de leur fonction herbacée et ancrée dans la terre. En second service, la patate douce orange, à la sucrosité naturelle, se fait compression en couches texturées subtilement argumentées du lard colonnata à l’unique typicité aromatique. La vinaigrette de cerises de l’année dernière est à la fois revigorante et accompagnante. En satellite, l’émulsion groseilles Péyi (variéte d’hibiscus à la saveur acidulée), les pistaches et les graines de courges finalisent de perspicacité entre douceur, saveur et texture.



Le pain du lendemain à saucer, huile de Mandja « signature », 60% de farine, 40% de poudre de pain torréfiée : pain emblématique du chef marquant sa conscience anti-gâchis, il recycle le pain rassis en poudre qu’il torréfie, comme du café, puis le mélange à de la farine neuve pour créer ce pain, qui a une saveur noisette et grillée, il s’accompagne, tel un interlude, de l’huile d’olive aux racines de curcuma.

Rouget de roche, Craquelin à l’olive / amarante & courgettes, Emulsion des têtes brûlées au gros thym : ce rouget, d’une cuisson céleste, pêché non loin de là se croûte d’un profond, puissant et terrien craquelin d’olives Taggiasca et de graines d’amarantes. Les courgettes délivrent une rafraîchissante jeunesse du goût qui se balance en structure de la magnifique et abyssale sauce en réduction des arrêtes et des têtes. La coriandre en condiment, comme un lisse chutney, structure et assemble avec brillance et ferveur. La tuile des têtes brulées est assurément l’apothéose qui signe cette assiette aux robustes saveurs qui racontent l’essence même du rouget. En accompagnement, la fleur de courgette se farce d’une mousse de rouget et vient caresser l’ensemble de sa valeureuse délicatesse. Le tout est stupéfiant et sublime!



Langoustine au barbecue / chutney banane / tortellini aubergine, Beurre monté à la tagete : cette belle langoustine se grille sur la braise et s’enveloppe des volutes du feu de bois et des herbes aromatiques du jardin, comme la mélisse et la menthe fraîche. Le chutney de banane, tomate et coriandre condimente en un exotique relief. Quant au beurre fleuri, il est monté comme un sabayon à la tagette et habille cette élégante demoiselle d’une enivrante robe végétale animée de passion. Les tortellinis, en second service, ont la suavité de leur farce à l’aubergine. A nouveau, tous les sens sont sollicités et animés pour le plus grand plaisir.





Pêche de Méditerranée, Grillée & confite / émulsion de l’albumine / oseille / groseille péyi, Tarte aux oignons roses de Menton : pêche locale de ce loup sauvage grillé simplement au barbecue comme sur les plages en Martinique, puis confit pour une cuisson perfection, presque irréelle et ferme, il se fige dans une gelée de groseilles péyi qui apporte un voile de sucrosité naturelle et de subtile acidité. La tarte tatin aux emblématiques oignons roses de Menton (variété paysanne qui a failli disparaitre) d’une pointe tomatée et à la friande pâte sablée s’enorgueillit de son notable jus d’oignons. C’est doux, vif, appétant et addictif. Sur le côté, la peau du poisson frite se fait chips relevée du loup mariné en un souskay. Tout parait naturellement évident, tout est en osmose et d’une grande franchise.



Veau du Piémont en croûte de café épicé, Cèpes / citron / dachine au piment vert grillé : cette pièce de veau rôtie, à la tendresse infinie, devient force de la réduction de café, du balsamique et du piment jalapeno. Les lamelles de taro (ce tubercule tropical appelé également dachine ou encore chou de Chine) est ici bien local, il pousse dans les jardins du Blue Bay et donne au plat une parfaite balance douce et sucrée qui est en écho du jalapeno. En second service, l’opaline de pistache péyi (variété de cacahuètes aux Antilles) camoufle avec pudeur, saveur et croustillance une appétente royale de cèpes qui appâte avec intensité la dégustation. A nouveau, les papilles papillonnent et s’animent avec bienveillance, pulsion et attention. Le pain vapeur brioché se tartine d’un rafraîchissant beurre citronelle-gingembre.


Cannette ivre de rhum aux épices, Navet au miel de nos ruches & girolles, Fregola truffée aux fèves de cacao : cette canette sauvage, ivre de son rhum, est marinée 48h comme un gravelax au sel, au sucre, aux épices et, bien sûr, au rhum. Elle jacasse pleinement de sa juteuse chair rosée et de son intense réduction, les excellents jeunes navets sont travaillés au miel et les girolles sont des « babies » montées au beurre. Pour lier et assembler ce joli monde sauvage, le crémeux se végétalise des très poivrées et herbacées fanes de navets. En accompagnement, le fregola Sarde est un indécent et claquant risotto aux cèpes et truffes, il se fait chapeauter de bonheur d’une chantilly de mascaporne, elle aussi aux cèpes et truffes, et d’une râpée de « gwo kako », bâtonnets de cacao de la Martinique. C’est absolument éclatant.



La sélection des fromages est bien vu et fait la part belle au local, l’affinage est juste et bien placé.



Pour terminer, la partition sucrée est signée de la Cheffe Pâtissière Floriane Grand qui travaille avec le Chef Marcel Ravin depuis 2019. Ses créations ont une véritable vie, ardeur et identité, tout en équilibre parfait. Désormais, le poste pâtisserie se fait spectacle au centre de la salle, de ce superbe et charnel comptoir-bar aux fresques-enduits en formes « Ecorces » signé de Solène Eloy.


Dans une calebasse / lacté d’oseille buckler / crumble manioc : premier acte, ce dessert est à la fois une parfaite transition et une plongée dans la créative pensée de la Cheffe. L’aérien et acidulé lacté d’oseille buckler, d’une identité citronnée, s’encrumbelise de manioc, le yaourt livre sa laiteuse légèreté et la tuile de pollen des ruches maison croustille en vibrante floraison.

Le chocolat de mon enfance à la Martinique : cette calebasse du chocolat de l’enfance du Chef est une symphonie du chocolat et rappelle les goûters d’après l’école au chocolat chaud épicé. La tarte soufflée chocolat vibre, dans une partie de la cabosse, du gingembre et du fruit de la passion et, de l’autre partie, d’un chocolat croustillant de noisette et de la fève tonka. La crème glacée au chocolat et la brioche de pain perdu à la crème se relève de noix de muscade et de macis pour un soyeux infini.


Le gommier, Fraises de Carros / rhubarbe / févettes au shrubb : les fraises de Carros se déclinent de toutes les manières et de toutes les matières et s’étoffent en Carpaccio avec du pain de Gênes, d’une émulsion faite à base de cosses des fèves, en tartelette fraises des bois et en saladine avec un sorbet rhubarbe et shrubb (rhum arrangé à l’orange). La fraise est bien là et montre toutes ses facettes dans une sucrosité minimale et naturelle.



Mangotine Mangue / cannelier / maracuja / piment / coriandre / safran : la mangue vit sa belle vie dans ce dessert et s’encanaille en triptyque de piment, de coriandre et de safran. Elle s’enveloppe de kadaif et de passion et est rôtie en son intérieur. Elle est aussi granité d’elle-même à cru et cuite et, enfin, elle est gelée de fruits de la passion et mangue craquée d’une meringue au yaourt.



Pour les mignardises, il faut compter sur un Migan de fraises et cerises de Carros , sur une cuillère sphère ananas tagète fraîche, du Tamarin et farine de fine chapelure au pain du lendemain, sur la Patate douce et brioche toastée et sur la Feuille calque de Palmier à la cannelle. On ne reste pas de marbre devant la flamboyante Tourte à la banane flambée aux épices et tuile de caramel, ni devant le Sorbet fleur de capucines et pêches sans oublier, les petits bonbons au chocolat, passion et feuille de curcuma.







Pour accompagner ce virtuose bouquet final de douceurs, la sélection des digestifs fait évidement honneur aux rhums agricoles de la Martinique, dont celui du Chef Marcel Ravin, Private Cask en collaboration avec l’Habitation Clément.


Gérard Veyrat de Lachenal, le fidèle chef sommelier maison depuis les débuts, élabore une carte saisonnière plaisante et rassurante pour la clientèle étrangère, quelques flacons attirent cependant l’attention des connaisseurs pointus. L’accord mets et vins, parfaitement orchestré au menu du Chef, a cette grande valeur du juste qui virevolte entre judicieuses originalités et belles étiquettes.



Le service orchestré par Jérémy Testa est jeune, dynamique et a le sens du faire-plaisir et du partage de l’histoire du Chef, tout comme Daril qui a ce sens chaleureux du détail.



Un menu d’une maitrise infinie, où les produits d’ici, des jardins environnants et de la région sont travaillés avec grandeur et précision et sont pertinemment instillés ou effleurés en élégance d’un ingrédient créole presque faussement anecdotique mais qui délivre la puissance du verbe dans toute sa valeur et surtout… l’émotion! Chaque assiette et leurs satellites, qui résonnent les uns aux autres, sont liés d’une histoire qui se raconte pleinement à la dégustation d’un vibrant instant. Simplement époustouflant d’efficacité et de sens.
Le Chef Marcel Ravin et une partie de sa Teamtchok :





Marcel Ravin n’est pas seulement devenu quelqu’un, il est devenu Marcel Ravin, un grand de la Haute Gastronomie Française d’aujourd’hui.
Menu L’Agoulou de Marcel en 10 services 320€ – Menu Solstice en 7 services 195€
Menu Inspiration légumières du Potager en 7 services 175€
Carte – Entrées 52 à 62€ – Plats 75 à 140€ – Desserts 34€
La Table du Partage et du Trempage : uniquement sur réservation – Le dîner « classique » 550€ boissons incluses – Dîner évènement sur-mesure autour d’un artisan ou d’un artiste 750€ boissons incluses
Le Blue Bay Marcel Ravin – Monte-Carlo Bay & Resort
40, Avenue Princesse Grace
98000 Monaco


