Michelin France 2024 – Un millésime d’émotions

Le très adulé, respecté, craint, régulièrement décrié et souvent incompris Guide à l’emblématique couverture rouge, qui fait rêver ou trembler les chefs depuis sa création, a annoncé lundi dernier en direct de Tours, sa sélection et ses nouvelles étoiles 2024. C’est un millésime où, au cours de cette soirée, s’est ressenti beaucoup d’émotions, de joie, de fébrilité et de sincérité sur scène et notamment avec l’hommage au Chef Serge Vieira décédé en juillet dernier, et cette « standing ovation » tant en sa mémoire que pour son épouse qui annonce poursuivre l’aventure. Ces Chefs, Chefs Pâtissiers, Chefs Sommeliers, Directeurs de Salle… encouragés de leurs équipes, de leurs brigades… tous se sont unis dans cette grand-messe de la gastronomie française d’aujourd’hui, pour recevoir ou espérer cette reconnaissance ultime, parfois tant attendue. Métier de passion, de partage et de transmission, la restauration n’est pas le plus simple des choix ou des vocations. Ces étoiles sont, pour la plupart, une consécration au bout d’années de sacrifices et de travail accompli, de remises en question, d’échanges réguliers ou d’une recherche des meilleurs fournisseurs et producteurs, de l’angoisse d’une nouvelle ouverture avec cette légitime envie de succès et de plaire, et ce challenge de maintenir une constance au quotidien. Ces femmes et ces hommes des bonheurs gastronomiques ont cette intention suprême du « Faire-Plaisir » et du partage, en se dévoilant dans leurs assiettes où ils racontent, au travers de leurs créations, leur propre histoire et univers qui touchent les sens grâce à des techniques qui s’effacent pour laisser le produit s’exprimer dans toute sa valeur. Judicieusement travaillé et justement associé, ce produit devient un plat inoubliable qui, à la dégustation, peut provoquer une vive émotion d’un souvenir ému pour un instant suspendu. Voilà pourquoi ces étoiles, ces toques, ces notes sont si importantes pour bon nombres de professionnels de la restauration, c’est non seulement une récompense, une reconnaissance, mais aussi une façon d’exister et de se faire connaitre auprès de tous.

La perte d’une (ou plusieurs) étoile est toujours un moment difficile et parfois violent, une déception totale, un sentiment d’injustice qui peut entrainer, pour certains, une sorte de démotivation et un rejet de ce système de jugement et de notation, avec cette angoisse de ne plus être reconnu et perdre la clientèle Michelin, pour d’autres, c’est une nouvelle remise en question qui donne envie de continuer et de se battre avec toujours cette motivation du « Faire Plaisir » à ses hôtes. Le Guide Rouge, 10 jours en amont de la cérémonie, a annoncé la liste des 31 tables « rétrogradées » ou sortant de la sélection, dans le Sud on notera trois établissements dans le Var, dont deux pour changement de chef et/ou de concept : à La Cadière-d’Azur pour René’Sens et les Oliviers à Bandol et enfin à La Celle, la belle maison du bien recevoir qui fête cette année ses 25 ans, l’Hostellerie de l’Abbaye de la Celle – Ducasse Hospitalité, perd son étoile mais pas sa passion.

Pour les deux étoiles, il faut compter désormais 8 nouveaux restaurants, dont deux en région PACA : le justement Chef MOF Christophe Bacquié qui, avec son épouse Alexandra, ont ouvert il y a un peu moins d’un an, leur chez-eux dans un écrin provençal : Le Mas les Eydins dans le Luberon, avec un menu unique qui célèbre le goût et le Sud. C’est à Monaco que les deux autres étoiles sont tombées récompensant le Chef Christophe Cussac pour Les Ambassadeurs by Christophe Cussac au Métropople Monte-Carlo pour son classicisme maitrisé et son ambiance robuchonnienne monégasque, relevée des saveurs de la Méditerranée (lire article). 

On compte désormais 52 nouveaux 1 étoile proclamés, toutes régions confondues. Dans le Sud-Est (Alpes-Maritimes, Var, Alpes-de-Haute-Provence, Bouches du Rhône, Gard et Vaucluse), c’est 12 nouveaux établissements étoilés. A Nice, deux tables ont été célébrées : ONICE du brillant couple italo-argentin et ex du Mirazur Florencia Montes et Lorenzo Ragni pour leur cuisine ciselée et éclatante sur le produit uniquement local (lire article). Racines dans le quartier de Libération du légendaire Chef Bruno Cirino et de son envoutant univers végétal qui vit au rythme de la Nature. A Mandelieu-la-Napoule, le très touchant et sincère Bessem Ben Abdallah – Bessem restaurant est enfin reconnu pour sa fibre vibrante et franche qui touche les sens (lire article). A Saint-Tropez, c’est La Terrasse – Cheval Blanc, le restaurant du midi et du mercredi soir, attenant à La Vague d’Or*** (lire article), qui reçoit l’étoile avec une équipe hors du commun, sous la houlette du cuisinier poète Arnaud Donckele épaulé d’Augustin de Margerie, Mathieu Borde et Boris Allies. Au Puy-Sainte-Réparade, le Chef Marc Fontanne qui a repris récemment les pianos du provençal Château de Fonscolombe à La Table de l’Orangerie, apporte l’étoile cette année avec élégance et profondeur.

Dans les Alpes-de-Haute-Provence, c’est le MOF Louis Gachet (poulain d’un autre MOF : le grand Arnaud Faye), qui est étoilé au Couvent des Minimes – Le Feuillée à Mane pour sa technique, sa vision culinaire et sensorielle de la Provence. Non loin de là, l’Étoile Verte revient au jeune et passionné Adrien de Crignis et ses assiettes puissantes et potagères dans la belle et inoubliable maison d’Alain Ducasse La Bastide de Moustiers – Ducasse Hospitalité (lire article).

Egalement, Eugénie Béziat, qui avait été reconnue par le Michelin à La Flibuste à Marina Baie des Anges, refait briller l’étoile à l’emblématique Palace parisien, fief d’Auguste Escoffier, Le Ritz à l’Espadon de sa vision inspirée de ses souvenirs d’enfance en Afrique et saupoudrée de son parcours en Méditerranée : moderne et flamboyant. 

Cette année, trois prix Passion Dessert sont attribués dans la région de Nice : Patrick Mesiano aux Ambassadeurs by Christophe Cussac**, pour ses légendaires pâtisseries en chariot étourdissant de bonheur (lire l’article), Julieta Canavate à Ceto* avec ses desserts de la mer en parfait équilibre de douceur iodée (lire l’article), et Pierre-Jean Quinonero au Cap* au Grand-Hôtel du Cap Ferrat A Four Seasons Hotel, où ses pâtisseries et créations explosent de saveurs agrumes et épicées allégées de sucre et ancrées de gourmandises. Enfin dans le Var, c’est le grand chelem pour l’Hôtel & Spa du Castellet et la Table du Castellet où le Chef Pâtissier François Luciano remporte également le prix Passion Dessert avec Le chocolat Nicaragua, criste marine et huile d’olive maturée.

Quant à l’emblématique Chef Yannick Alléno aux 15 étoiles, il a reçu le prix de Chef Mentor de l’Année pour son engagement et son combat pour un cadre « plus inclusif et collaboratif » dans tous ses établissements, dont Paris et Monaco.

Même si le guide papier perd de la vitesse et que ses détracteurs sont de plus en plus nombreux, le Guide Michelin, en constante évolution, garde autant son impact. C’est en effet en partie grâce, non seulement, aux évolutions successives et aux nouveautés qui se sont installées au fil des années et qui suivent l’air du temps (comme l’application, le magazine web, les Bibs Gourmands, les Étoiles Vertes, la Clé Michelin pour les hôtels), mais également grâce à sa mondialisation (présent aujourd’hui dans 44 pays) que le plus vieux des recueils d’adresses gastronomiques provoque autant de réactions passionnées et fascine toujours les chefs, restaurateurs, gourmets, journalistes et critiques, peut-être en raison de son côté obscur, secret, strict et parfois ingrat, de ce couperet ou de ce bonheur décidé par ces inspecteurs de l’ombre.

Pour rappel, les différences entre 1, 2 et 3 Etoiles Michelin, selon le Guide lui même :

• 1 Etoile MICHELIN : le restaurant est considéré comme « très bon dans sa catégorie », propose une carte de qualité et offre avec régularité une cuisine de haut niveau.
• 2 Etoiles MICHELIN sont décernées lorsque la personnalité et le talent en cuisine sont évidents dans les préparations : la cuisine est raffinée et inspirée.
• 3 Etoiles MICHELIN : il s’agit de la plus haute distinction, qui est attribuée à la cuisine remarquable de chefs qui se trouvent au sommet de leur talent. Leur cuisine peut être considérée comme de l’art, et certains de leurs plats sont destinés à devenir des classiques.