Côte d'Azur Chef Etoilé Michelin Gastronomiques Nice Non classé Restaurant

Racines Nice – Bruno Cirino – Cuisine végétale, étoilée et jubilatoire

Chef emblématique de la région, Bruno Cirino, cet ancien des plus grands et qui a inspiré toute une génération de chefs, est le maestro d’une cuisine de terroir, fulgurante, vivante et précise.

Né en Italie, celui qu’on destinait à la prêtrise, celui qui par passion de la terre et du végétal voulait être jardinier et qui est devenu cuisinier sur le conseil de sa maman (pour justement garder ce contact unique avec les légumes et la nature), s’est très vite engagé en cuisine et a monté les échelons avec passion et attention.

C’est lors d’un voyage sur la Côte d’Azur qu’il va tomber amoureux de cette région et de ses beaux produits de la terre, émerveillé par la richesse de ces maraîchers qui viennent chaque jour avec leur récolte du matin au Marché de Forville à Cannes; il garde au fond de lui cette idée que peut-être, un jour, il ouvrira son établissement sur la Riviera, si proche de l’Italie de ses origines. C’est un véritable parcours d’élite qu’il va effectuer en fréquentant les plus belles maisons de France et de Navarre et en étant le bras droit des plus grands noms de la cuisine française : de Jo Rostang à Antibes à Roger Vergé à Mougins en passant par l’emblématique Jacques Maximin au Negresco et Alain Ducasse à l’époque du Juana. Il a orchestré les fourneaux les plus mythiques, comme le Grand Hôtel à Saint-Jean-de-Luz, Le Château Eza ou encore le Vernet et l’emblématique Royal Monceau à Paris, où il apportera toute sa verve et sincérité italo-méditerranéenne aux parisiens durant plusieurs années. Chef humble et discret, bien loin de la starisation, il a formé et a été le mentor de bon nombre de grands d’aujourd’hui, comme Jean-François Piège ou Christophe Pelé, et fait toujours autant l’admiration de ses pairs.

En 1999, Bruno Cirino saute le pas et quitte la capitale pour s’installer dans ce petit village médiéval perché au dessus de la Principauté, La Turbie, qui a été marqué du passage des romains avec le Trophée des Alpes érigé en l’honneur de l’empereur Auguste. Il reprend l’Hostellerie Jérome, une institution gourmande des années 50 qui était le point d’arrivée de la mythique Nationale 7. C’est dans cet ancien presbytère du XIIIe qu’il va faire courir tous les gastronomes de la région et faire venir les parisiens en manque de sa cuisine. Bruno Cirino, véritable précurseur, a toujours mis le végétal en avant en le travaillant avec noblesse et une infinie précision. Chaque matin, au volant de sa camionnette, il arpente les sinueuses routes des Rivieras française et italienne jusqu’à Albenga : entre asperges, artichauts, gambero rosso et autres poissons du golfe de Gênes achetés directement au cul du bateau à San Remo, dès le retour des pêcheurs. Technicien, saucier hors pair et unique, il cuisine ces bijoux de la terre et de la mer en les sublimant par des sauces inoubliables. La consécration des deux étoiles ne tarde pas à arriver.

C’est en janvier 2020 que Bruno Cirino décide d’ouvrir une troisième adresse (après Le Café de la Fontaine à la Turbie), cette fois-ci en plein coeur du quartier de la Libération, à Nice, et de son vibrant marché. Racines Nice est une table entièrement consacrée à la vivance et à l’originel du végétal : une cuisine potagère par excellence.

Après la période covid, Racines Nice ouvre en intermittence, et c’est en octobre dernier que le cuisinier qui murmure à la racine des légumes se consacre pleinement à son nouveau restaurant. Il tourne la page à ses deux étoiles de l’Hostellerie de Jérome qu’il devrait céder prochainement à un grand de l’Hospitalité et de la gastronomie.

Récompensé cette année au Guide Michelin, Racines Nice est l’unique restaurant étoilé de France consacré au végétal que le chef travaille dans une étourdissante dextérité. Les légumes et fruits, cueillis chaque matin, proviennent directement de ses deux jardins ou des producteurs, agriculteurs et paysans qu’il connait depuis de nombreuses années et qui travaillent en culture bio ou raisonnée. Bruno Cirino, épaulé de son chef José Vidal (fidèle compagnon de route de plus de trente ans), accompagne ces trésors de la terre avec fulgurance et délice de jus de cuisson puissants, d’étourdissantes décoctions de racines ou d’épluchures de légumes ou de pommes de terre qui délivrent une profondeur et une intensité presque animale. 

Le menu Le chant de la Terre du moment décline la saisonnalité dans une verve unique (menu dégusté en avril dernier)

Pour commencer, en amuse-bouches, servie dans un élégant ramequin chiné et encerclé d’argent, la crème cuite, en fond, est tel un petit flan parfumé, relevé de l‘émulsion de truffe et des râpés de truffe Melanosporum. La Pomme de terre ratte nouvelle du jardin est un clin d’oeil au début de saison de cette saveur noisette-châtaigne, et l’addictif barbajuan se farce de courgette et de blette, cadencé en croque de noisettes torréfiées. Le Tubercule d’oignons rouges, cette partie habituellement jetée, est ici simplement frite et croustille en perfection de sa pointe sucrée qui fait tilt en bouche. Le cocktail Gin-Basilic-Fleur de sureau et citron aux notes très florales est appétant et accompagne parfaitement ces bouchées.

Petits pois de notre jardin est une ode au printemps de ces petites graines au vert intense qui se dégustent avec passion et force de trois façons : en cru ou en cuit. D’abord, directement dans leur matrice cosse qui rappelle leur origine, ils claquent de leur naturelle et bienveillante sucrosité. Puis flashés dans un petit court-bouillon pour garder toute leur verve, ils sont légèrement beurrés pour capter la gourmandise infinie de ce légendaire mariage beurre-petits pois. Enfin, en velouté des cosses (pour ne rien jeter) qui clarifie et ravive le palais du velouré lait de bufflone. Une simplicité magistrale.

L’oignon rouge en soupette : une assiette sur le thème de l’oignon rouge Tropea, véritable trésor de la Calabre, avec sa typicité d’une douceur et sucrosité maximale. La soupette, à l’origine, est cette tranche de pain sur laquelle on verse le bouillon, et qui devient, par extension au fil des siècles, soupe et qui désigne tous les potages, complétés ou non de croutons ou de pains. Ici, l’étymologie gustative est respectée de ce crouton grillé au comté ajusté d’un sublime bouillon en concentré d’oignon rouge, tel un jus de viande réchauffé de poivre noir de Madagascar et de basilic. Cet oignon Tropea rôti garde sa texture, tout en étant fondant, il se baigne de bonheur dans ce bouillon avec cette pertinente idée d’une traditionnelle soupe à l’oignon. Stupéfiant de vie.

La première morille du pays au jus de truffes : excellence de ce produit saisonnier et terrien qui attise toutes les convoitises gustatives. Cette morille se « bonhomise » d’une farce fine aux champignons et aux fines herbes. Identité vive du produit pour ce plat qui est une extraction du champignon dans toutes ses valeurs. Le jus champignons frais et truffes, légèrement crémé, lie avec délicatesse cette forestière assemblée.

La purée truffée. l’ail doux confit : un tout pomme de terre en magnificence. Ces tubercules viennent de la haute montagne italienne et sont travaillés de la robe à la chair, où rien ne se perd. D’abord une onctueuse purée légèrement truffée et en croustille de chips de peau de pomme de terre, l’ail doux, presque dans son entièreté, est longuement confit au four pour délivrer une douce puissance de sa matière. La sauce de peau de pomme de terre grillée, noix et noisettes, est assurément bluffante de perfection et de profondeur et reste ancrée dans la mémoire. Le mélange d’herbes du jardin, les fleurs d’ail et l’ail des ours viennent signer dans une identité herbacée et poivrée.

Les asperges de Provence et le brocoletti : une apparente fausse et sobre simplicité, comme à chaque fois dans toutes les assiettes du chef, un travail du produit dans toute sa fibre qui émet des vibrations et des goûts marqués et accrocheurs, comme ces asperges vertes, juste grillées mais révélées d’un jus végétal de leur peau. Le coeur et les bourgeons de brocoletti des vignes « pimpantent » d’une touche amère, juste et pertinente.

L’artichaut épineux fromagère : cet épineux de Ligurie est travaillé au coeur comme un soufflé monté au comté et à la ricotta, l’émulsion fromagère au lait de bufflone et aux trois fromages (ricotta, comté et tête des moines) est en équilibre de gourmandise où l’on sauce sans manière cet artichaut avec envie et affection. Le cresson du jardin est la pointe fraîcheur pour cette unité fromagère.

Promenade dans notre jardin potager, Aujourd’hui avec la févette : condensé des jeunes légumes du moment, comme un « Gargouillou » du Sud, où l’on retrouve des févettes, des asperges sauvages, des navets, des carottes et des fleurs de févettes : tout ce concile printanier s’acoquine de cubes de parmesan et surtout du coulant presque décadent d’un oeuf bio fermier qui s’épanche de vie. Le ravioli ricotta-fleur de courgette en fond est la mâche salutaire qui fait tant plaisir. En dernier plat salé, cette Promenade est un véritable condensé et résumé de la force du végétal dans toute sa dimension.

Les fraises de Carros, citron, citronnelle et primevères : un duo en grande fraîcheur de ces fraises et fraises des bois élevées à seulement quelques kilomètres de là. La pistache de Bronte entière et le citron confit viennent titiller du juste entre texture et saveur agrume. Le sirop de fraise est un jus délibérément addictif qui révèle la dégustation.

Le fenouil et la pomme de terre douce : un dessert tout légume, déstabilisant et rassurant à la fois. Le coeur du fenouil est confit, tel un fruit, la glace à la pomme de terre pourpre est entre deux mondes et les chips de pomme de terre et le feuilleté aux graines de fenouil sont le crispy attendu.

En final, le Sorbet aux mandarines confites et gelée de mandarine est un doux revival des fruits givrés.

La salle, aux différents recoins, est élégante et bien assortie de la chaleur du bleu de Prusse et du bois ciré, une grande table de partage appelle aux diners en grande convivialité et rappelle ces grandes tablées des familles italiennes. Les détails sont justes et bien placés, entre tableaux anciens, tel ce chantecler, et toiles légumières. 

La carte des vins se fait référence des connaisseurs avec des domaines pointus et peu connus et des flacons à maturité, le tout avec des prix doux et justes. Hugues, le sommelier, raconte sa cave avec attention et précision. 

Le service, orchestré par Valentin Bugeya, est celui des grandes maisons (Jean-François Piège, Hostellerie Jérome), mais ici dans une version intimiste et chaleureuse qui convient parfaitement au lieu. 

Racines Nice de Bruno Cirino bouscule à nouveau, dans son évidente discrétion, les codes de la gastronomie à Nice et en France puisqu’il est à ce jour le seul étoilé d’une cuisine 100% légumière et potagère. Ce grand savant du vert et de la terre bien avant les modes continue de nous émerveiller par sa cuisine d’une force saisissante et inspirante, qui est à la fois flagrante de simplicité et subtilement complexe.

Menu unique – Le chant de la terre du moment en 10 séquences 75€

Racines Nice

3, Rue Clément Roassal

06100 Nice

Téléphone : +33 4 93 76 86 17

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.