Voilà un peu plus d’une vingtaine d’années que la gastronomie japonaise s’est popularisée et s’est étendue à tout l’hexagone en agitant les papilles des français : entre sushis-mania, gyozas-folie, ramen-parties… toutes ces spécialités addictives et totalement kawaï titillent avec passion les aficionados gourmands. Quant aux produits et recettes traditionnelles, ils ont fascinés les chefs tout autant : entre yuzu, miso, shiso et dashi…. ils ont plongé avec passion dans ces nouveaux ingrédients qui délivrent le fameux « umami » : cette cinquième et complète saveur déclenchant l’émotion. Mais d’où vient cette fascination ? On la doit notamment, ces dernières années, aux chefs globe-trotteurs et à des grands noms, comme Joël Robuchon (le plus japonais des cuisiniers français) ou Yannick Alléno, tous deux tombés amoureux du pays, de sa culture et de ses pratiques culinaires… mais pas seulement.


- Une fascination croisée
Pour comprendre, on doit regarder du côté de l’archipel nippon qui voue une passion pour la gastronomie française depuis les années 60. C’est l’arrivée de Pierre Troisgros qui a été l’élément déclencheur en ouvrant Maxim’s à Tokyo, d’autres suivront rapidement comme Bocuse ou Louis Outhier. Ces grands chefs français ont non seulement découvert une autre philosophie et une autre façon de consommer, entre les très chic et raffinés « Omakase », les gargotes de rue comme les « Izakaya », ou encore la cuisine de comptoir des maîtres sushi, ils vont non seulement rapporter dans leurs valises de nouveaux produits jusque là encore inconnus en France, mais également de nouvelles techniques de cuisson, de découpe ou de nouvelles habitudes, comme celle des menus dégustation dans la tradition kaiseki avec ses différents petits plats servis. De cela, Joël Robuchon s’inspirera notamment pour créer et révolutionner la sphère gastronomique parisienne avec ses Ateliers d’une cuisine ouverte et de comptoir, puis plus tard, cela sera au tour de Yannick Alléno d’approfondir le concept avec ses Pavyllons.




De cet échange s’ouvre un pont culturel entre les deux pays : d’un côté, une cuisine de rigueur, raffinée, subtile, spirituelle et perpétuelle venant de traditions ancestrales, de l’autre, une cuisine franche, généreuse, ancrée dans le terroir et structurée par un certain Escoffier. Malgré leurs différences, ces deux cuisines se rejoignent de part leurs techniques toutes deux codifiées et méthodiques. De nombreux apprentis cuisiniers japonais quittent alors leur pays pour se former dans les brigades des plus grandes toques françaises afin d’apprendre et reproduire l’excellence et d’alimenter les établissements français tokyoïtes, signés Ducasse, Gagnaire, Bras ou Robuchon… (le Michelin ne s’est pas trompé en lançant en 2007, le Guide Tokyo. En 2013, 32 trois étoiles sont décernées pour la capitale japonaise contre 27 pour toute la France! Tokyo devient ainsi la capitale mondiale de la gastronomie). Ces jeunes apprentis sont devenus chefs, certains ont ouvert leurs propres restaurants au Japon, d’autres sont restés ou sont revenus pour s’installer et ouvrir leur table d’une cuisine soit gastronomique française, affutée de la précision japonaise, soit fusion, vibrant entre les deux mondes, ou totalement en tradition. Ces établissements fleurissent en France, aussi bien dans la capitale, qu’en Province, on pense bien sûr à Kei Kobayashi, Kei*** à Paris, à Takao Takano** à Lyon, Kazuyuki Tanaka pour Racine** à Reims et Yasunari Okazaki pour d’abord l’Abysse Paris ** et maintenant l‘Abysse Monte-Carlo.







- Une Méditerranée croisée d’Epure et de Tradition
Sur la Riviera, c’est l’arrivée du jeune Keisuke Matsushima qui a bousculé les codes et les idées de la cuisine japonaise. Fraîchement débarqué en France à l’âge de 20 ans, formé auprès de Régis Marcon et des frères Pourcel, il s’installe à Nice qui lui rappelle un peu sa ville natale de Fukuoka, il ouvre en 2002 son restaurant Kei’s Passion qui sera étoilé en 2006 et qui deviendra Keisuke Matsushima. S’imprégnant totalement de la région, il est le premier à proposer une fulgurante cuisine niçoise relevée de touches japonaises : du jamais vu à l’époque ! Il ouvre d’autres adresses, tout aussi uniques, comme Poseidon (autour des poissons méditerranéens) ou encore le Bistrot de l’Ecole de Nice (ces deux établissements ont depuis fermé). Il est ainsi devenu « japoniçois », le plus niçois des chefs japonais.


Cependant, il n’a pas été le premier japonais à s’être installé à Nice, c’est dans les années 80 que le premier établissement authentiquement nippon ouvre : Le Kobe, rue de la Buffa, qui sera repris et rebaptisé Kamogawa sera la référence jusqu’à sa fermeture en 2023. Depuis quelques temps, la région a vu s’ouvrir de sérieuses adresses, qu’elles soient dans un esprit Izakaya, bistrot à la japonaise, gastronomique ou tendance. On ne parle pas ici, bien sûr, des pseudos restaurants japonais mêlant sur leur carte les nems et les sushis surgelés avec les Bobun, mais d’authenticité, de ces femmes et de ces hommes qui ont choisit notre région pour s’exprimer à leur manière, qu’elle soit traditionnelle, fusionnante ou simplement gourmande.


A Nice, les deux soeurs originaires d’Osaka, Yuka et Mayu Ueda, ont séduit dès leur début, il y a 14 ans, avec Ma Yucca. Désormais seule aux commandes, Yuka propose toujours, dans une décoration simple mais chaleureuse, une cuisine méditerranéenne japonaise bien balancée comme le Carpaccio de daurade, mozzarella buffala, sauce soja, citron vert ou le Magret de canard, sauce teriyaki, ratatouille au miso. Maïdo, bien connue des niçois pour ses petites assiettes exécutées avec sincérité par Kanako Hirose et son conjoint Matthieu Bony, est l’adresse unique où l’on se régale de tapas nippons de bons goûts, entre Gyozas, Karaage (poulet frit) ou encore Takoyaki (ces irrésistibles petites boulettes farcies de poulpe). Les vins y sont natures et les Sakés bien sélectionnés. Non loin de là, L’Eau de Vie du chef Yoshi et son épouse propose une carte bistrotière locale qui se japonise subtilement : le beignet d’artichaut se savoure au thé vert et à l’aïoli et le filet de daurade se glace dans son beurre noisette au yuzu et algues fraîches. Le très aérien Cheesecake au Matcha de Kyoto est un must. Ikko Ramen, ce restaurant de poche dans le Vieux-Nice, est tenu avec sympathie par Ayako et son époux le chef Ikko Shikata qui prépare tous les matins les fameuses nouilles et les profonds et fumants bouillons karamiso. Les Ramen y sont cadencés de poitrine de porc braisée, d’un œuf mollet mariné, de pousses de bambou, de nori et de cébettes… exactement comme à Yokohama, la salle « slurp » à l’unisson avec passion et conviction.



Pour les amateurs d’adresses en belle tradition, on peut aller du côté du Cannet à Kashiwa. Dans ce petit restaurant familial, le maître Takasaki Katsutoshi s’exécute avec respect et dextérité. Pour débuter, les Aubergines marinées sont une délicieuse entrée en matière avant de se délecter des assortiments de Nigiris à la fraîcheur de la pêche locale et du marché Forville. A Monaco, plusieurs tables brillent de vrai, comme MC by Kodera d’Aya Kodera avec le Chef Shinya HARAJIRI, fournisseur officiel du Palais Princier, qui se situe au coeur du marché de la Condamine et a des airs des petites échoppes que l’on trouve dans les tonitruantes ruelles Tokyoïtes. Lan Lan, signée de la brillante et passionnée Toshimi Takiya est la nouvelle adresse confidentielle que tous les monégasques gourmets se passent. Originaire de la ville impériale de Kyoto, Toshimi, après être passée par des grandes maisons, s’est installée sur la Côte d’Azur et a officié notamment dans les brigades de La Réserve de Beaulieu de celles de Song Qi et de Moshi Moshi de Riccardo Giraudi. Volant de ses propres ailes, elle allie cheffe à domicile et son restaurant, où elle orchestre une cuisine qu’elle décrit comme « fusion poétique » entre la Riviera et son pays natal. Les Rolls, Sushis et Futomakis éclatent de fraîcheur et d’éloquence créative. Dans cette idée, le jeune et talentueux Alexis Luong a fait entrer la ville de Nice dans un Japon gourmand d’aujourd’hui en ouvrant Onaka en 2022, avec d’authentiques sushis et une intelligente cuisine fusion à la fraîcheur ultime. Ce Champion de France 2021 de sushis, qui est arrivé troisième au Championnat du Monde 2024 à Tokyo, a très vite été acclamé par les amateurs et par tous les guides. Cet ancien de Nobu Monaco, Nobu Londres et de Matsuhisa au Royal Monceau Paris excelle dans l’art de la découpe, des associations et des saveurs Nikkei qui délivrent l’umami instantanément.







Dans une partition d’une cuisine française moderne et métissée, Les Deux Canailles et La Table de Kamiya sont deux belles références d’une gastronomie instillée des origines des deux chefs, le tout en proposant des tarifs ajustés. Takayuki Kamiya et Claire, sa femme franco-nippone qui est également cheffe pâtissière, proposent à leur Table du bord de mer de Cagnes-sur-Mer un univers alliant la Provence et leurs cultures familiales : les classiques et produits de la région sont parfaitement contrebalancés de verve comme ce Mochi farci à la volaille, velouté de butternut et pépins de courge, ou le Saumon confit, miso brûlé, navet, épeautre et estragon. Quant aux desserts, on ne peut faire l’impasse sur la Mousse de patate douce, glace au café et biscuits au chocolat noir. Tsumoru Takano, quant à lui, n’est certes pas une canaille, mais il virevolte avec technicité et sobriété dans un monde au cordeau des goûts avec ce Ravioli de gambas et foie gras, bisque de crustacés ou cette Noix de veau rôtie, légumes du marché, purée grand-mère. A Menton, le chef Mitsuyasu Mashita (ancien Sous-chef de l’Hostellerie Jérome** de l’emblématique Bruno Cirino) délivre dans son restaurant L’Orangerie une cuisine Riviera japonisée, inspirée des saisons et des circuits courts, d’une savante précision, qui a très vite été plébiscitée de tous.





Pour une expérience de haut vol, gastronomique, un brin chic, glamour ou tendance, Monaco est la destination idéale et on y trouve le seul restaurant japonais étoilé de la région, le Yoshi à l’Hôtel Métropole crée par le grand Joël Robuchon. Situé en dehors de l’hôtel, tel un ryokan indépendant, vous entrez dans un univers ouaté à la décoration racée et chaleureuse. C’est le chef Takeo Yamazaki qui a orchestré durant plus de 16 ans cette belle « maison ». Au Fairmont Monte-Carlo, doit-on présenter Nobuyuki Matsuhisa, que les aficionados appellent tendrement « The Cod Father« , celui qui a créé l’indémodable Black Cod mariné adulé de tous et qui fait partie de ces chefs qui réussissent l’exploit de gérer une multitude de ses établissements Nobu à travers le monde ? Véritable et indéniable success story d’un concept parfaitement maîtrisé d’une carte de plats signatures vouée à la Gastronomie Japonaise « New Style ». Dans la même veine, mais en plus couture, et très Monte-Carlo, The Niwaki est écrin de luxe adouci d’épure. Les Nigiris et Sashimis sont ici ciselés et ont cette infinie complexité qui touche les sens. Wagner Spadacio, incontestable « Sushi Master » qui a été Vice Champion du Monde de Sushi, joue du Yanagiba (couteau) avec perfection. Le dernier né, et pas des moindres en Principauté est signé du chef muti-étoilé Yannick Alléno, qui vient d’ouvrir son second Abysse, au coeur de l‘Hôtel Hermitage, avec le chef Yasunari Okazaki, le challenge est lancé d’une acquisition directe de deux étoiles au prestigieux Guide Rouge. C’est la promesse d’un voyage culinaire sensoriel emprunt d’émotions, cadencé de la force naturelle des Eléments.










Pour les douceurs, les mochis se sont fait une place de choix dans le coeur addictif des gourmands. L’adresse immanquable est incontestablement Mochi Coffee. Stéphanie et Alexandre, ce jeune couple d’épicuriens et amoureux du japon ont ouvert leur boutique non loin de la mer à Juan-Les-Pins, travaillent artisanalement les daifuku mochis (non glacés) à base de produits de la région, le plus souvent bio, comme le citron de Menton, la rose de Grasse ou encore la Fleur d’Oranger de Vallauris.


Alors Bon Appétit! どうぞ召し上がって下さい itadakimasu !
- Le Carnet d’adresses Côte d’Azur
Nice :
Keisuke Matsushima – 22 ter Rue de France- 06000 Nice – Tel +33 (0)4 93 82 26 06
Ma Yucca – 26 Rue de la Buffa – 06000 Nice – Tel +33 4 93 88 39 84
Maïdo – 31 Rue Gioffredo – 06000 Nice – Tel 09 83 04 70 00
L’Eau de Vie – 11 Rue Delille – 06000 Nice – Tel +33988542329
IKKO Ramen – 5 Rue du Moulin – 06300 Nice – Tel +33 9 51 07 61 76
Onaka – 12 Passage Massena – 06000 Nice – Tel 09 52 97 26 83
Les Deux Canailles – 6 Rue Chauvain, 06000 Nice – Tel 04 93 01 84 83
Le Cannet :
Kashiwa – 12 Boulevard Gambetta – 06110 Le Cannet – Tel 07 49 45 58 88
Cagnes-sur-Mer :
La Table de Kamiya : 52 promenade de la Plage – 06800 Cagnes-sur-Mer -Tel 04 93 89 71 54
Juan-Les-Pins :
Mochi Coffee – 10 rue Ste Marguerite – 06160 Juan-Les-Pins – Tel 09 62 61 67 46
Monaco :
Mc By Kodera – Marché de la Condamine, Place d’Armes – 98000 Monaco – Tel +377 97 77 79 56
Lan Lan – 2, boulevard du Ténao – 98000 Monaco – Tel +377 93 50 33 46
Yoshi Monaco – Hôtel Métropole – 4 avenue de la Madone – 98000 Monaco – Tel +377 93 15 13 13
Nobu Monaco – Fairmont Monte-Carlo – 12 avenue de Séplugues – 98000 Monaco – Tel +377 97 70 70 97
The Niwaki – Le Palais de la Plage – 37 Avenue Princesse Grace – 98000 Monaco – Tel +377 92 00 37 00
L’Abysse Monte-Carlo – Hôtel Hermitage – Square Beaumarchais – 98000 Monaco – Tel +377 98 06 94 94
Menton :
L’Orangerie – 3 rue de la Marne – 06500 Menton – Tél 04 97 14 84 91


